Le design pour sauver le monde

        Vous allez me dire qu’elle est bonne celle-là! Pourtant, la façon dont on réfléchit les choses, à un impact évident sur les qualités environnementales du résultat. La construction et la rénovation sont assurément un domaine où l’on a le plus d’impact sur l’environnement dans notre vie personnelle. Et il ne faut pas négliger l’impact du design d’intérieur commercial où le renouvellement du décor est fréquent, avec ce que ça entraine de déchets. La cohésion des choix qu’on fera pour le lieu, la forme, les matériaux, la méthode de construction et l’équipement, auront donc une importance significative sur la diminution des ressources, la pollution et notre qualité de vie collective et individuelle.

        Pour vous aider à voir en quoi le design peut aider à changer le monde, il faut savoir que le travail de design se fait à partir des besoins des occupants. Ces propriétaires ou futurs occupants ont donc une réflexion préalable à faire avant de se lancer, seul ou avec l’aide d’un pro, à la conception de la forme. Et pour que cette forme soit optimum et contribue à des bénéfices pour l’environnement, il y a une réflexion à faire pour évaluer si certains espaces maintenant considérés normal, sont vraiment essentiels. Car réussir à réduire la superficie habitable est dans mon propos l’enjeu écologique prédominant.

        Pour déterminer les espaces dont on a vraiment besoin, le temps d’usage de chacun des espaces se doit d’être évalué par rapport à son coût. Par exemple, avez-vous vraiment besoin d’une chambre d’amis? Voulez-vous vraiment financer 200pc de plus de construction (fondation, structure, toiture, finition) sur 25 ans pour recevoir votre belle-mère une semaine par année? Il y a aussi le gymnase maison qui est un exemple flagrant de création de besoin qu’on sait si bien faire, en se persuadant qu’avec un tel espace, c’est certain qu’on va se mettre à l’exercice pour se garder en forme. Hé bien c’est faux, et on le sait tous. Ça ne tient pas un mois! Le meilleur exercice est celui intégré dans une nécessité quotidienne comme le transport actif pour aller travailler? Il y a aussi le cinéma maison qui est un des espaces le plus facile à jumeler avec un autre. Souvent il le sera avec la salle familiale qui est le 2^e salon. La chambre d’ami pourrait facilement y être aussi intégrée. L’utilisation d’une toile rétractable et d’un projecteur est aussi un autre moyen d’intégrer cette fonction à bien des espaces fermés.

        Cette réflexion sérieuse devrait conduire à construire plus petit, ce qui a plusieurs impacts positifs, d’abord pour le propriétaire :

• moins de coût d’achat et de financement
• plus courte durée d’endettement
• moins de dépense énergétique, plus petit système de chauffage
• moins de coût et de temps consacré à l’entretien
• moins de réinvestissement en rénovation
• libère du budget pour la qualité des produits ou de la domotique qui permettra d’améliorer le rendement énergétique et le confort par des systèmes de sécurité, automatisation de la gestion du chauffage et de l’obturation de la fenestration etc.
• libère de l’argent pour d’autres activités comme les voyages, pour moins travailler ou prendre une retraite hâtive!

Ensuite les avantages pour l’environnement :

• moins de matériaux = moins d’usage de ressources = moins de pollution dû au déplacement de la matière du site de collecte (mine, forêt etc.), au site de transformation, au site de vente et finalement au site d’utilisation. On peut aller jusqu’à la réduction des matériaux à recycler ou éliminer en fin de vie.
• avoir moins de matériaux en quantité permet de choisir des matériaux plus sains, plus durables, qui pourraient avoir un coût plus élevé mais à l’intérieur d’un même budget, voir même inférieur. On dit que la réduction de l’espace de 8% permet de réaliser une maison écologique pour le même budget qu’une maison construite en respectant le code du bâtiment.
• moins de demande énergétique pour la production des matériaux, l’installation puis pour le chauffage des lieux.

         Pour vivre dans une maison plus petite que la moyenne, ayant donc une plus petite empreinte écologique et un aménagement efficace, il faut faire la conception en 2 étapes importantes :

1. aménager les étages pour éliminer les pertes d’espace et les surfaces coûteuses et inutiles dédiées à la circulation, jumeler des fonctions dans un même espace, disposer l’escalier pour réduire les pas au minimum et créer des volumes, peut-être avec des cloisons mobiles, permettant d’aménager facilement chaque espace avec le mobilier
2. faire un travail de design de meubles pour jumeler des fonctions différentes mais compatibles, créer des meubles faciles à manipuler et qui pourront durée dans le temps et choisir et agencer esthétiquement différents matériaux sains

Exemples :

• lit escamotable dans une bibliothèque
• sofa en lit
• table ou bureau en lit
• étagères en tables
• ottoman en table ou en lit
• table extensibles
• modules superposés (lits, bureaux, penderie, bibliothèque…)
• rangement dans tout type de meuble comme dans les sofas

        C’est incroyable maintenant l’offre de quincaillerie qui s’est adaptée à ces besoins de transformation du mobilier. On en voit de plus en plus dans les émissions télévisées, sur Pinterest et dans les médias sociaux. Les distributeurs les plus connus, peuvent livrer à votre meilleur ébéniste, tout ce qu’il lui faudra. Même si le coût du meuble sera évidemment plus élevé qu’un meuble régulier et fixe, ce coût sera assurément moindre que l’investissement de dizaine de pied carré de construction de la fondation à la toiture.

        Tous les bons designers expérimentés dans les petits espaces, même ceux qui n’ont pas de formation particulière en bâtiment durable, sont en mesure de vous aménager des espaces efficaces. Ce qui est complexe en réalité ce n’est pas de créer des grands espaces. C’est bien plus difficile de réaliser de petits espaces, efficaces et esthétiques, qui respecteront les minimums du code du bâtiment.  De là l’importance d’investir dans ces qualités professionnelles que vous ne possédez peut-être pas.

        Il y a, pour ceux qui voudraient aller chercher ces compétences spécialisées, de plus en plus d’offre de formations dans ce domaine permettant d’apprendre à le réaliser soit même, ou d’aller chercher ce « plus » applicable à votre exercice professionnel. Particulièrement pour la sélection des matériaux les plus sains, en considérant l’ensemble du cycle de vie des produits et en sachant éviter les pièges de l’écoblanchiment.

        D’après moi, la plus grande difficulté en matière d’écologie reliée au volume des bâtiments, est de conscientiser les plus nantis à l’impact écologique d’un des plus beaux luxes qui soit : profiter de beaucoup d’espace.  Je pense qu’il n’est quand même pas si difficile de voir au-delà des moyens financiers qu’on peut avoir, permettant de payer d’autres personnes pour faire les tâches d’entretien qu’il devient impossible de faire soi-même. Par exemple, la charge mentale qu’entraine ces plus grands espaces : gérer un jardinier, l’entretien, les factures etc. Chacun des « plus » (plus grand, plus de meubles, plus de chauffage, plus d’entretien…) est aussi une plus grande appropriation personnelle de ressources qui faudrait penser à partager avec les générations futures.

Stéphane Bernier

Écoconcepteur depuis 1992